• Les Mots d'Eden

    Roman contemporain de genre M/M, paru pour la première fois en autoédition le 15 Octobre 2012 et publié par les éditions Bragelonne depuis le 14 Janvier 2015.

    Le livre en main juste avant de commencer la lecture, on considère l'illustration de couverture en rapport avec le titre de l'ouvrage... mais une fois la lecture et le premier chapitre entamés, on réalise qu'il s'agit de bien plus qu'un énième recueil des pensées d'un adolescent introverti et dans cet ouvrage-ci homosexuel, y exorcisant son mal-être et ses conflits avec divers systèmes établis, notamment sociaux.

    Eden est un adolescent dont le physique et le tempérament ne correspondent pas aux attentes de ses camarades de lycée et de la société mondaine de Marble Falls. Loin de complaire aux archétypes populaires et à son père indifférent, il partage la passion de la musique avec sa mère internée dans un centre psychiatrique, à laquelle il voue une affection particulière, entre contemplations silencieuses et humbles confidences ; mais cette dernière année scolaire devant s'achever avec la remise des diplômes, ouvrant la voie à l'avenir et à l'exil vers New York, loin du cadre oppressant de la ville de son enfance, va être une suite d'expériences dramatiques, de mots entendus ou prononcés qui vont profondément marquer son existence et sa façon d'être. Comme pour la plupart de ses écrits, l'idée même de l'ouvrage Les Mots d'Eden est venue par hasard à l'esprit de Céline Etcheberry, mais les protagonistes bien définis se sont imposés d'eux-mêmes et ont vécu leur propre histoire en dépit de plans d'écriture que l'auteure aurait pu établir, menant l'intrigue et ne lui laissant que son style pour la raconter.

    Un prologue décrit l'enfance d'Eden entre la froideur de son père et ses fantasmes sur sa mère absente, jusqu'au début de sa dernière année de lycée. Le roman se découpe ensuite en douze chapitres intitulés d'après ces mois décisifs pour l'adolescent, qui monte son propre groupe de musique rock, entame ses premières relations romantiques et charnelles avec hommes et femmes, subit la violence de l'homophobie et du mépris des autres, tente de se suicider... mais apprend également peu à peu à réaliser ses sentiments, à s'affirmer, à tirer leçons et force de ses défauts comme de ses malheurs pour aller de l'avant. L'oeuvre se conclut ainsi sur un épilogue qui encourage le lecteur à en imaginer la suite, par une ultime phrase tournée dans le sens de celle qui clôt le prologue...

    Une fois le dernier chapitre lu, le titre du roman de Céline Etcheberry et la référence au roman britannique Mrs. Dalloway de Virginia Woolf expliquent humblement la structure des pensées du protagoniste rendues à la première personne. Les mots d'Eden ne sont pas seulement ceux de l'adolescent racontant son histoire, répondant à voix haute ou composant sur des notes musicales ; il s'agit également des mots des personnages qui l'entourent et qui portent des coups dans son esprit, le blessant, le poussant à se remettre en question ou à continuer dans ses efforts. Du dernier conseil de Nathan à la critique d'Ethan, des paroles sages de sa mère à la promesse de Damien, le jeune homme décrit à la manière de Clarissa Dalloway ces mêmes personnages qui gravitent autour de lui, leurs caractères, leurs expériences et leurs vies en parallèle de la sienne, en des termes courts mais exacts, sans profusion de détails ni d'impressions, limitant le drame en ses tristes vérités et cadrant la joie de sa juste sincérité.

    La fin du roman laisse au lecteur le pressentiment d'une suite aux peines et aux bonheurs d'Eden. Les droits de ce premier tome ont été achetés et l'ouvrage est désormais édité sous le label Milady des éditions Bragelonne sous le titre Les Mots d'Eden - Vers Toi, avec sa suite Les Mots d'Eden - Sans Toi.

    Les Mots d'Eden de Céline Etcheberry Plus personnellement, je me suis vraiment attachée à ce roman, moi qui appréhende généralement les récits biographiques. Le personnage d'Eden se glisse dès le prologue auprès de nous tel un enfant discret, qui nous fixe en silence avant de s'éloigner simplement, mais que nous ne pouvons nous empêcher à notre tour de regarder continuer son chemin au fil des chapitres. Les détails visuels sont juste suffisants pour planter le décor et le point de vue du protagoniste, concis comme pour laisser au lecteur sa part d'émotion... mais aussi de considération envers une jeunesse malmenée, négligée, voire oubliée par la société actuelle.

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  • tea

    Qu'y a-t-il de mieux qu'une tasse de thé chaud pour accompagner la lecture d'un bon livre ?

    Psyché a recentré plus d'une fois ses thèmes et sa mise en page depuis sa création en 2009 à la naissance de mon fils cadet, gagnant en maturité et en personnalité pour s'élargir du partage de citations philosophiques et de créations graphiques à celui de mes propres textes et de mes états d'âmes. Les enfants maintenant plus autonomes et mon aînée en plein apprentissage de la lecture, j'ai renoué il y a quelques mois avec ma passion pour les livres que j'avais mise de côté pendant neuf ans... Comment ai-je pu m'en passer ?! Il ne me fallut guère plus de cette ancienne béatitude retrouvée pour me décider à partager cet attrait que j'avais jusqu'à oublié m'être aussi vital que de respirer sur mon Blog !

    Tout à mon rôle de mère, je suivais néanmoins un peu l'actualité quant à la littérature moderne et découvert, alors que le choix pour les écrivains amateurs de l'autoédition suscitait surtout désillusion, perplexité, voire mépris de la part des professionnels, quelques auteures dont les oeuvres généralement sous ce régime de publication ont su m'inspirer à leurs égards une admiration égale à celle d'écrivains plus populaires, en plus d'une sincère sympathie qui nuance nos échanges privés. Aujourd'hui dans le rôle de chroniqueuse passionnée, mais libre de ses choix de lecture - Services Presse compris - , je ne compte pas les mettre dans une catégorie à part et autre que celle de leurs genres littéraires : aussi les ouvrages de Virginie Zurbuchen, de Christelle Verhoest, de Céline Etcheberry et de Charlie Audern trouveront naturellement leurs places aux côtés de ceux de Jean-Christophe Grangé, de Camilla Läckberg, de Haruki Murakami et de Jean-Claude Czmara.

    En prime de mon humble avis personnel, vous aurez des explications sur les écrits, sur leur contexte d'écriture et de conception, sur leur raison et leur façon d'être du point de vue de l'auteur comme vis-à-vis des lecteurs... le mien compris, évidemment ! A défaut de m'en tenir à une mise en ligne de chroniques précise et régulière, je laisse à disposition des curieux dans le menu ci-contre à gauche ma PAL ou Pile à Lire d'ouvrages qu'il me reste encore à ouvrir et dont je vous ferai part prochainement. Ma Wishlist répertorie quant à elle les romans récents ou à la parution plus ancienne qui m'intéressent particulièrement, mais que je ne possède pas encore.

    Comme je ne sais pas lire sans tasse de thé, ni écrire sans musique, pourquoi ne pas vous en souffler la tendance au fil de mes lectures ? A l'image de la bannière du Blog, vous connaîtrez mon humeur littéraire générale du moment, soulignée par un titre musical que vous pourrez vous imaginer passant en boucle dans les écouteurs de mon baladeur. A ceci s'ajoutera donc une suggestion de boisson, celle dont j'agrémente ma lecture en cours selon l'ouvrage ; par exemple, le Café Américain convient parfaitement au cadre contemporain du Livre des Morts de Glenn Cooper, d'autant qu'il devient vite indispensable à l'agent Will Piper lors de ses recherches "scénaristiques". Rassurez-vous : je n'irai pas jusqu'à vous suggérer du sang synthétique en lisant La Communauté du Sud de Charlaine Harris, mais à l'approche de l'hiver, je saurai bien vous donner des idées de boissons pour vous réchauffer entre les lignes de votre livre de chevet... Peut-être aussi quelquefois de gourmandises plus consistantes, en prenant religieusement garde aux traces de doigts gras sur les pages !

    En cette énième période de changement et de choix à prendre, je gagne encore en confiance et en caractère pour tenir mes propres résolutions. Je vais reprendre mes pinceaux et mes toiles pour notamment préparer ma participation au Salon Graphique de Bar-sur-Aube de cette année, et réécrire en parallèle de mes chroniques littéraires, comme mes propres écrits qui méritent d'être développés ou remis en page. Je n'ai guère gagné en sagesse - loin de là - , mais Psyche Tremens s'est doté d'un nouveau nom qui complète parfaitement l'émoi actuel de ma conscience de frémissements ; non d'appréhension ou de doute, mais d'exaltation et de détermination.

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  • Le Dragon Griaule, de Lucius Shepard

    Intégrale des nouvelles écrites par l'auteur concernant sa propre créature, le dragon Griaule.

    Le monde décrit par l'écrivain américain Lucius Shepard y est sensiblement proche du nôtre, mêlant des personnages et des lieux rappelant nos civilisations en diverses époques à des nuances fantastiques qui sont reconnues au même titre par l'Homme que les lois naturelles ; on y perçoit alors la créature énorme, paralysée et recouverte par le paysage, dans les termes de haine terrorisée des habitants de la cité proche de Teocinthe qui subissent son influence maligne à la hauteur de sa malveillance frustrée. Les manigances du dragon restent impénétrables même à ceux qui en sont l'objet, aussi virulent ou désespéré que puisse être leur désir de le tuer ou de lui échapper... ce souhait vain s'avouant dès les premières lignes de L'homme qui peignit le dragon Griaule comme tout le long des récits suivants, soit des siècles durant sans véritable trêve.

    A l'origine, Griaule constitue bien davantage qu'une colossale bête divine de 15000 mètres de long sur 200 de hauteur, consciente bien que réduite à l'immobilité physique par un sorcier puissant. Lucius Shepard cherchant un sujet de nouvelle littéraire pour le Clarion Writer's Workshop s'imagine le monstre gigantesque et paralysé irradiant les êtres et les éléments de ses pensées vicieuses, en usant tels des pions pour concrétiser ses ambitions, tel une métaphore représentant l'administration américaine sous la présidence de Ronald Reagan qui selon lui, "proclame une ère neuve pour la patrie, dévaste l'Amérique centrale et malmène la Constitution". L'homme qui peignit le dragon Griaule paraît en 1984 et engage cette vision critique de l'auteur sur des concepts politiques et sociaux transposées dans ses fictions ressemblant fortement à notre réalité, au point de faire oublier à certains passages le fond fantastique et fantaisiste de l'oeuvre, alors que le lecteur se penche sur les faits ou contextes réels évoqués.

    L'écriture en lien avec sa créature emblématique reste plus ou moins influencée par la vie privée de Lucius Shepard. La fin d'une romance personnelle a accompagné la conception de L'homme qui peignit le dragon Griaule, et certains récits ont connu des circonstances de rédaction bien particulières. Ayant choisi de loger à Orlando Beach, en Floride auprès de sa mère mourante, Lucius Shepard écrit La Fille du Chasseur d'écailles au lieu d'un recueil de courts récits autour de Griaule, et conclut la nouvelle de façon optimiste ; le lieu où se rend l'écrivain pour travailler au milieu de la nuit est alors fréquenté par les prostituées, les alcooliques et les toxicomanes, son éclairage au néon jaune lui ayant évoqué celui d'une lanterne traversant les intestins du dragon. De même, l'environnement de l'avenue Westervelt à Staten Island, aux trottoirs jonchés de seringues vides et témoins d'assassinats gratuits a fait paraître les mauvaises tendances de Griaule bien banales à son créateur par rapport à ces drames humains et réels qu'il côtoyait, pendant qu'il écrivait Le Père des Pierres...

    Vient alors au dragon le désir de se reproduire, aussi basique que la façon dont se présente le protagoniste de La Maison du Menteur, auquel les critiques littéraires ont reproché un langage très lettré par rapport à ses actes primaires. Pour l'auteur, peu de choses peuvent séparer un génie d'un abruti, et le personnage principal représente plus spécifiquement la ville de Vancouver, de l'Etat de Washington dans laquelle il a résidé dans les années 2000. Lucius Shepard a reconnu avoir eu par la suite une autre idée pour le mode de reproduction de sa créature qui aurait facilité la transition vers le dernier récit du cycle de Griaule, mais s'être cependant gardé de réécrire la nouvelle afin de laisser paraître son évolution en tant qu'écrivain... ou s'être simplement laisser aller à "flemmarder", selon ses propres termes. L'Ecaille de Taborin achève ensuite prématurément le dragon conséquemment aux peintures de Méric Cattanay - dont il est question dans L'homme qui peignit le dragon Griaule - , mais sa conclusion instille l'idée de son influence mentale s'exerçant malgré sa désintégration physique forcée par les Hommes, sa portée arrangée au lieu d'avoir été annihilée. L'intrigue s'écrit toute seule ; l'auteur cette fois installé à Portland s'inspire pour son personnage principal d'un punk-rocker qui gagnait sa vie en revendant des objets de collection acquis dans des vide-greniers et la nuit, hurlait dans son microphone chez lui et dans les bars.

    Le Crâne revient aux premières notes critiques et politiques du cycle de Griaule en se basant sur une expérience vécue par l'auteur lui-même à Ciudad, au Guatemala, alors que l'ambassade d'Espagne y avait été prise par des étudiants gauchistes et des activistes indiens. Jouant avec certains détails et des anagrammes qui ne laissent aucune équivoque sur ses références, il retranscrit la paranoïa dans les rues bondées de militaires, le bar homosexuel dans lequel il se faufile et rencontre des loritas - ses conversations avec elles esquissant le personnage de Luisa Bazan - , puis le Parti de la Violence Organisée qui a réellement existé. Griaule se glisse concrètement dans l'intrigue, réincarné, actif et accessible. Sa nouvelle forme humaine lui attribue la parole et semble anéantir sa nature divine, le réduisant à la condition modeste d'un homme banal... mais sa première entrevue directe avec le personnage de Craig Snow rappelle au lecteur la malveillance et la ruse profondes de la créature révélées au fil des précédents récits. Le fantasme politique qu'il représente pour son propre auteur ne peut cependant résister à l'écoute des arguments que s'échangent Craig Snow et Yara à propos du gouvernement des sociétés, seuls moyens pour les deux protagonistes de repousser l'échéance de leur exécution, tels Shéhézarade racontant habilement ses contes au Sultan cruel.

    La conclusion de Griaule est brutale, tant par sa violence concrète que par l'annihilation de son influence, paradoxale et soudaine après des siècles de malfaisance et de désespoir, si bien que le lecteur, à la façon des personnages, puisse trouver étrange, voire trompeur que le temps continue de s'écouler et le monde de tourner sans lui. Il demeure d'ailleurs une trace de la créature divine sur le corps de Yara à la fin du récit Le Crâne, comme la représente le comportement du protagoniste à la fin de L'Ecaille de Taborin...

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan Plus personnellement, je ne recommanderais pas ce recueil de nouvelles à ceux qui s'attendent à des batailles épiques et des vols de dragon vertigineux dans un ouvrage de genre Fantasy. Les véritables protagonistes sont les individus et les sociétés gravitant autour de Griaule : ce dernier a certes son importance scénaristique, matérielle et même idéologique dans les récits, mais il n'est nul besoin de se convaincre de la puissance de son influence pour appréhender certains comportements humains, même poussés à l'extrême folie ou indécence, et par laquelle les personnages cherchent à justifier leurs actes lâches et égoïstes. Du clonage à la survie, d'un palais de justice du XIXème siècle aux entrailles même du dragon, de la toxicité des peintures au plomb en 1800 à la réforme agraire en Amérique du Sud, la narration de Lucius Shepard se veut précise, livrant par des formules parfois un peu longues des détails tant physiques qu'émotionnels aux côtés de références historiques et architecturales développées, et jouant de beauté, de malaise et de rebondissements avec les nerfs et les sens du lecteur.

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