• Le Lézard Noir, de Ranpo Edogawa

    Le Lézard Noir, de Ranpo Edogawa

    Roman de genre Thriller édité pour la première fois au Japon en 1934, et septième affaire criminelle du célèbre détective Akechi Kogoro, créé par l'auteur.

    Bien que n'ayant pas davantage de pages que la plupart de ses autres récits, n'ayant pas à l'origine un statut emblématique dans la bibliographie de l'auteur comme dans la littérature japonaise, ni même une intrigue particulièrement fournie, critique ou concernant un événement traumatique de l'histoire nippone, ce vingt-troisième roman de l'écrivain Edogawa Ranpo est la plus populaire de ses productions. En 1968, elle est adaptée en long-métrage cinématographique par Kinji Fukasaku - connu pour ses nombreux films de samouraïs et de yakuzas dans les années 70 et 80, puis Battle Royale en 2000 - mettant en scène sur des décors et une interprétation décalés l'acteur Isao Kimura jouant le détective Akechi Kogoro et l'artiste transexuel Akihiro Miwa dans le rôle-titre, que ce dernier reprend au théâtre pour Yukio Mishima, auteur de la tétralogie La Mer de la Fertilité.

    Cambrioleuse maline et organisée, la jeune femme connue sous le pseudonyme du Lézard Noir convoite l'Etoile Egyptienne, diamant historique et trésor national japonais que Shoei Iwase, grand joaillier de la ville d'Osaka, garde consciencieusement à l'abri des regards et des voleurs. Elle décide donc d'enlever sa fille unique Sanae pour le contraindre à l'échanger contre la pierre précieuse ; mais de caractère joueur et provocateur - tel le célèbre Arsène Lupin de Maurice Leblanc - , elle prévient non seulement le bijoutier de son projet, mais également le détective Akechi Kogoro, intelligent et intuitif, l'invitant à anticiper et contrecarrer ses manigances. Du recrutement de Junichi Amamiya à la reddition finale du Lézard Noir, le style analytique des mécanismes psychologiques et les longues métaphores mêlant l'horrifique au grotesque qui ont marqué telle une signature la plupart des oeuvres de l'auteur nippon, n'ont pas dans celle-ci une place explicite, préférant donner juste assez de détails dans les scènes pour les suggérer à ses lecteurs fidèles ; les mots et la narration sont exclusivement soumis à l'action, aux réactions des protagonistes qui connaissent des rebondissements inattendus et croisent d'autres personnages à chaque nouveau chapitre, dans un rythme ainsi régulier et soutenu du début à la fin. 

    Le détective Akechi Kogoro et le Lézard Noir se ressemblent et s'opposent comme les deux côtés d'une même pièce, ou comme le Yin et le Yang : mâle et femelle, loi et crime, ils ont le même penchant excentrique, la même intelligence et la même habileté au détournement des apparences. L'intrigue est donc principalement axée sur eux, malgré les enjeux et l'intervention des autres personnages, sur leurs confrontations directes comme indirectes, leurs machinations, leurs filatures, leurs ruses et leurs déductions respectives afin de devancer ou déstabiliser l'autre. Le Lézard Noir exulte de joie en défiant Akechi Kogoro, le seul adversaire qu'elle estime digne d'elle et capable de la divertir dans son entreprise... au point de trahir une extrême affliction lorsqu'elle croit l'avoir tué, puis un soulagement intense en le reconnaissant au coeur de son musée personnel. Le détective de son côté, jubile de la même façon face à l'ingéniosité et à la prévoyance de la cambrioleuse, tel l'emblématique Sherlock Holmes d'Arthur Conan Doyle ne trouvant d'attrayant dans son existence que les énigmes difficiles, voire dangereuses qui s'imposaient à lui. L'affaire de l'Etoile Egyptienne n'est plus ainsi seulement criminelle, mais prend une dimension personnelle. Si elle ne semble pourtant à aucun moment renoncer à ses intérêts coupables, la jeune femme se rend finalement en toute humilité, dans un total abandon dans les bras de son vainqueur, heureuse comme une amante qui reçoit un baiser du seul homme qui ait véritablement compté pour elle.

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan Plus personnellement, j'ai lu cet ouvrage comme on suit une partie de jeu de société particulièrement palpitante et serrée : avec un engouement concentré, à la limite de l'impatience pour son dénouement. Edogawa Ranpo délaisse l'aspect explicite de la psychologie humaine pour n'expliquer que la joute fine entre son redoutable détective Akechi Kogoro et l'impitoyable Lézard Noir, offrant au lecteur l'occasion d'un divertissement certain et l'invitant à deviner entre les lignes ses propres métaphores.

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