• L'Ile Panorama, de Ranpo Edogawa

    L'Ile Panorama, de Ranpo Edogawa

    Roman de genre Thriller, associé à la tendance Ero-guro et paru pour la première fois au Japon en 1926, traduit et publié en France en 1991.

    Edogawa Ranpo naît en Octobre 1894 de son vrai nom Taro Hirai, dans la préfecture nippone de Mie, et décède en Juillet 1965. Ecrivain et critique littéraire, il est reconnu comme l'un des précurseurs du roman policier d'investigation au Japon. Appréciant énormément les auteurs occidentaux du genre - notamment Arthur Conan Doyle et Maurice Leblanc - , il voue une admiration à l'américain Edgar Allan Poe, au point de tirer de son nom son propre pseudonyme par transposition phonétique. Ces récits, mettant en scène ou non son personnage détective Kogoro Akechi, dépasse souvent les enjeux des recherches policières pour plonger dans les méandres de la psychologie humaine et dans le style Ero-guro, que l'artiste Suehiro Maruo soulignera quelques années plus tard par ses traits graphiques.

    Hitomi Hirosuke est un Japonais trentenaire, dont la vie personnelle et professionnelle n'a pas évolué depuis la fin de ses études supérieures. Il passe ses journées à rêver de cités glorieuses et fantastiques, dont il soumet sans succès ses fictions à des éditeurs de revues. Un de ses amis d'université lui annonce un jour la mort de Komoda Genzaburo, autre camarade d'études auquel il ressemble énormément, suite à une crise d'épilepsie. Dans l'esprit ambitieux de Hitomi Hirosuke germe l'idée de prendre la place de ce dernier de son vivant, à la tête d'une famille fortunée, en profitant du doute de "mort apparente" conséquemment à ces convulsions : il met en scène son propre suicide, décédant juridiquement avant de faire disparaître le corps de Komoda Genzaburo et d'usurper l'identité de celui-ci revenu à la vie. Il ne craint que les soupçons de l'épouse du défunt, Chiyoko, et s'applique à l'éviter une année entière, durant laquelle il va engager les travaux onéreux de conception de ses univers imaginaires sur l'Ile du Large...

    L'intrigue de ce roman ne marque pas par son originalité. Tout repose sur le style d'écriture propre à l'auteur nippon, glissant au coeur de ses longues phrases des métaphores crues et des analyses cyniques qui tendent à perturber profondément le lecteur. L'horreur ne doit ainsi rien à un quelconque démon, à une malédiction ancestrale ou à un meurtrier particulièrement sadique. Le protagoniste pathétique et déphasé, demeuré au statut d'étudiant à trente ans, préférant rêvasser le ventre vide que d'envisager seulement une carrière professionnelle, saisit avec une rapidité et un pragmatisme déconcertants l'opportunité de s'octroyer les richesses d'un homme décédé dans le but unique de concrétiser ses rêves utopiques, déterminé pour l'Art à accomplir cette tâche tel un croyant fanatique envers une mission divine. Dès que commencent les travaux de construction sur l'Ile du Large, il devient sûr de lui et machiavélique, ne reculant devant aucune audace, ni aucune corruption ; la décision extrême de supprimer Chiyoko, dont il évitait la présence tout en éprouvant pour elle une attirance certaine, lui vient comme une évidence. Il entraîne finalement la jeune femme sur l'Ile Panorama et lui en expose les singularités avec un sadisme égocentrique, la déstabilisant et l'obligeant à formuler clairement ses accusations, avant de la tuer de ses mains. Sa vile et arrogante prestance ne s'effondre que face aux preuves irréfutables d'un journaliste répondant au nom de Kitami Kogoro, qui a reconnu le style de l'auteur méconnu en ces paysages artificiels, puis découvert son crime.

    L'auteur étend ses descriptions sensorielles jusqu'à des métaphores poétiques ou grotesques, qui malmènent les sens du lecteur de la réalité au rêve, de la comédie à la tragédie, de la beauté à l'horreur, de la sensualité au dégoût ; puis les associent, souvent de façon décalée - le cadavre en décomposition qu'on essaie de soulever, comparé à des morceaux de gelée d'agar-agar à retirer de l'eau, les traces de larmes humides sur les joues veloutées comme des pêches - pour donner aux détails une impression en relief, multidimensionnelle, voire caricaturale et mal ajustée. La visite de Chiyoko sur l'Ile Panorama joue particulièrement sur cette altération des perceptions, déformées comme les proportions naturelles de l'Ile du Large par la conception de l'Art selon Hitomi Hirosuke, exaspérées par ses perspectives trompeuses, ses odeurs entêtantes, ses couleurs agressives, qui réussissent à oppresser le corps jusqu'à la raison. Comme à travers un jeu de lentilles optiques, pareilles à celle du tunnel sous l'océan faisant d'une simple baudroie un monstre infernal, les visions des rêves les plus beaux se confondent à celles des cauchemars les plus hideux ou enfin, les plus ridicules : les corps charnus se regroupent en fleurs mouvantes, les chants répétitifs remplacent les cris d'animaux, les longues chevauchées en forêt se réduisent à un trajet sinueux dans un bosquet... l'unique étreinte nue entre Hitomi Hirosuke et Chiyoko est mortelle pour celle-ci, et l'usurpateur est démasqué par peut-être le seul admirateur de ses textes refusés à l'édition, trahi par la forte correspondance entre l'Ile Panorama et l'un de ses univers écrits, puis par les cheveux de Chiyoko sortant du pilier en béton dans lequel il a coulé son corps. Hitomi Hirosuke se suicidera alors dans un feu d'artifice semblable à celui en forme de corolle qui a couvert le meurtre de Chiyoko, recouvrant ses utopies de lumières écarlates comme de charpie sanguinolente.

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan Plus personnellement, je ne me prétends pas experte en formulation de métaphores... mais les allusions visuelles, tactiles, odorantes et auditives d'Edogawa Ranpo, combinées entre elles tour à tour avec poésie ou cynisme, côtoyant toujours le côté malsain ou pitoyable de la psychologie humaine, ont su glisser tout le long du récit une certaine tension dans mes sensibles entrailles comme l'envie de connaître le fin mot, pourtant prévisible, de cette étrange narration, vraisemblablement livrée par le journaliste qui confond le protagoniste et qui est le plus à même de l'expliquer.

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  • Commentaires

    1
    Samedi 27 Février 2010 à 13:39
    coucou
    comment vas-tu ?
    j'espère que tu profites bien de ton samedi
    ici, il fait bon et ensoleillé à souhait
    passe une bonne et douce journée
    bisous
    2
    adelys Profil de adelys
    Samedi 27 Février 2010 à 17:30
    bonjour furiae
    oh khalil gibran, j'adore ces citations,je me sens en harmonie avec ce qu'il écrit, c'est tellement vrai..
    passe une belle journée et merci pour la belle image que tu as déposé chez moi..bisous
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    3
    Gourmandise Profil de Gourmandise
    Samedi 27 Février 2010 à 18:44

    Je viens te rendre une petite visite pour prendre de tes nouvelles. Pour ma part, comme toutes les fins de semaine, très fatiguée. Donc repos complet cet après-midi. Je recharge mes batteries. Le temps est très mitigé : un peu de soleil et de ciel bleu, un peu de nuages et de fraîcheur. Passe une très bonne soirée. Gros bisousssssssssssssss Isa


     


    4
    Samedi 27 Février 2010 à 20:00
    je passe en vitesse avant d'aller me coucher la tempéte est prévu demain le parc est fermé alors on vas voir j'espére qu'il n'y auras pas trop de déga bonne soirée bizzz et bone dimanche
    5
    Lundi 1er Mars 2010 à 10:02
    tkt y a pas de soucis je ne peux QUE te comprendre pour être en plein milieu de cette même période, la vie est bien sure, et comme je dis c'est fou de voir comien les soucis arrivent vite et pour longtemps, par contre le bonheur lui est long à venir et est souvent éphémère..;ppff, enfin courage ma puce et plein de gros bisous....
    6
    Lundi 1er Mars 2010 à 10:58
    une petite trace de mon passage dans ton univers. j'aime beaucoup, j'ai copié ton lien pour le mettre sur mon blog pour te retrouver plus facilement
    à bientot
    7
    liledekahlan Profil de liledekahlan
    Mardi 2 Mars 2010 à 05:53
    salut,

    Chez moi au Québec, la tempete était jeudi passé. Le vent était tres violent,  J'ai a peine dormi, étant certaine que la maison était pour partir au vent.  La tempte a durée jusqu'au vendredi soir. Mais aucun dégat chez moi.  J'espère que toi non plus, tu n'as pas eu de dégat.  Bonne journée et kiss
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    8
    Mercredi 3 Mars 2010 à 09:50
    coucou, oui un beau soleil va faire du bien même s'il y a des soucis dans la vie le soleil lui atténue un peu nos douleurs certes...Gros bisous et bonne journée
    9
    Vendredi 5 Mars 2010 à 13:06
    coucou
    comment vas-tu ?
    j'espère que le soleil est chez toi, ici, il brillait ce matin,
    mais là il est parti !!!
    passe un bon et doux vendredi
    bisous
    10
    harmony830 Profil de harmony830
    Vendredi 5 Mars 2010 à 15:48
    kikou ma tyte puce merci pour tous tes gentils coms je passe vite te déposer plein de bisous !!!
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