• Remember Me - Tome 1, de Kyo VR

    Romance contemporaine autopubliée de genre M/M, parue le 28 Avril 2014.

    Auteure touloise de vingt-six ans, Kyo Vr écrit depuis l'adolescence. Elle aborde facilement tous les genres littéraires, de la romance contemporaine à l'épouvante paranormale - notamment avec Go to Sleep mis en ligne sur Wattpad - , avec néanmoins une prédilection personnelle pour les intrigues mettant en scène des personnages homosexuels. Remember Me est son tout premier roman achevé en 2015, sa première parution en autoédition et le premier tome d'une série en cours d'écriture.

    Tout est allé très vite pour le couple de Sidney et Matt. Dix mois après leur rencontre hasardeuse assortie d'un véritable coup de foudre, les deux étudiants âgés d'une vingtaine d'années s'installent ensemble à Los Angeles. Leur attirance mutuelle comme leurs sentiments amoureux ne font aucun doute, et leur vie commune s'organise rapidement. Plusieurs semaines après leur emménagement, Sidney sent pourtant lui peser le fait de demeurer au domicile, assurant l'entretien du logement et anticipant les besoins de Matt de retour épuisé de ses heures de cours, qui ne leur laissent finalement que peu de temps pour jouir de leur intimité. Le jeune homme est impatient de reprendre ses études ; mais il lui reste encore à prévenir son conjoint de sa décision, alors que ce dernier a pris l'habitude de faire la sourde oreille à ses allusions personnelles... et mis au courant, se révèle fermement opposé à ce projet. Le ton monte ; Matt souhaite ne jamais avoir croisé Sidney... et se retrouve un mois après la date de leur rencontre, son amant ne l'ayant jamais vu et donc, ne le reconnaissant pas.

    Les deux protagonistes sont de tempéraments très différents : l'un est égocentrique, cynique et suit des études de Médecine, tandis que l'autre est plus altruiste, romantique et souhaite devenir professeur en Littérature. L'organisation de leur vie commune repose sur ces caractères opposés, de telle façon que le tendre et attentionné Sidney renonce d'abord à ses propres désirs pour privilégier ceux du fier et irascible Matt, qui finit par considérer cela comme acquis et allant de soi. L'hésitation du premier à révéler la reprise de ses études au second, qui de son côté repousse constamment leurs discussions, trahit un manque flagrant de communication. La colère et la mauvaise foi de Matt le feront s'attaquer à l'origine même de leur relation, à leur rencontre à laquelle le romantisme de Sidney le fait croire comme au destin. Or, si les mots blessants sont trop faciles à émettre, leurs conséquences, notamment la peine provoquée chez ceux qui les entendent, sont bien davantage difficiles à rattraper. L'auteure se fera un plaisir de glisser un peu de magie dans l'intrigue, afin de donner l'occasion à Matt d'en tirer et d'en retenir la leçon.

    Les personnages, le déroulement et le thème de l'intrigue ne sont pas foncièrement inédits ; mais l'originalité n'est pas la priorité de ce premier tome. Le couple formé par ses protagonistes, certes homosexuels, est présenté, semblable à beaucoup d'autres et il s'agit pour l'auteure de narrer les premiers temps de leur existence ensemble, de l'installation de la routine quotidienne, de l'importance des désirs, des attentes, des choix de l'un et de l'autre ; entre concessions, sacrifices et acceptations, quand les conjoints doivent encore se découvrir, se connaître, s'apprivoiser, se compléter pour trouver l'équilibre conjugal qui, associé à l'affection sincère, engage le bonheur quotidien dans l'attente d'être confirmé, au fil des années, des évènements et des épreuves à venir dans les volumes suivants.

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan Plus personnellement, j'ai apprécié cette lecture simple et courte comme on regarde un téléfilm programmé un après-midi à l'approche de la Saint-Valentin. Mises à part quelques maladresses d'auteur amateur, sans le soutien de relecteur et de correcteur, ce premier roman ramène à une intrigue modeste, reposante, dont tous les couples, homosexuels comme hétérosexuels, peuvent reconnaître l'universalité et par laquelle ils peuvent se rappeler sans véritable surprise, ni sentiment de dédain ou de parti pris, la morale finale.

    Beautiful >>

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  • Mirage, d'Edogawa Ranpo

    Recueil de deux nouvelles de genre Thriller, Mirage et Vermine, parues pour la première fois au Japon en 1929, traduites et publiées en France en 2000.

    Edogawa Ranpo, l'un des écrivains fondateurs des genres Thriller et Policier au Japon, a été particulièrement prolifique dans l'écriture de ses oeuvres aux intrigues criminelles, réhaussées de psychologie malsaine et d'érotisme grotesque, entre 1923 et 1939. Une même année peut avoir vu s'écrire sous sa plume plus d'un récit ; notamment 1925 avec cinq textes, dont La Chambre Rouge, La Chaise Humaine et les deux premières aventures de son fameux détective Akechi Kogoro, ainsi que 1929 avec également cinq fictions, dont Mirage et Vermine, traduits et rassemblés dans ce même recueil.

    La première nouvelle raconte l'étrange rencontre vécue par un jeune homme anonyme, s'exprimant à la première du singulier. Le narrateur met sérieusement en doute la réalité de son expérience, survenue après avoir assisté deux heures durant à un fameux mirage de la plage d'Uozu, au bord de la Mer du Japon dans la préfecture de Toyama, résultant de jeux de brume, de lumières et de reflets, auxquels s'ajoutent la nuit de Mars à Juin les lueurs bleues phosphorescentes des calamars lucioles qui s'accouplent par bancs entiers dans cette baie. A bord du train du soir le ramenant à Tokyo, il finit par adresser la parole au seul voyageur avec lui dans le wagon, un homme âgé possédant un oshie - tableau traditionnel japonais matelassé et fait de pure soie - que ce dernier lui propose de regarder de plus près grâce à de vieilles jumelles. Le protagoniste avise alors les détails particulièrement fins, au point qu'il en semble vivant, du couple insolite de l'oeuvre artistique formé par une belle jeune fille en kimono traditionnel et un vieillard quelconque en costume occidental. L'étrange propriétaire du cadre raconte ensuite l'histoire de ces derniers.

    La seconde intrigue, plus longue que la précédente, s'est maintenue quarante-neuvième au Tozai Mystery 100, classement des cent meilleurs romans de genre Policier de l'Orient et de l'Occident, établi par la maison d'édition Bungeishunju - qui décerne également les prestigieux prix littéraires Akutagawa et Naoki - entre 1985 et 2012. Le personnage principal, Masaki Aoki, souffre de misanthropie depuis sa plus tendre enfance, de façon si absolue qu'elle se manifeste physiquement par une profonde introversion, des spasmes et des larmes incontrôlables. A vingt-sept ans, il retrouve son amour d'enfance, Kinoshita Fuyo, désormais actrice célèbre de théâtre. Alors qu'il croit lui inspirer un intérêt sincère et s'enhardit à lui avouer sa propre attirance pour elle, la jeune femme se moque de lui dans une crise de fou rire. Profondément blessé, le jeune homme la suit à son insu, l'épie sur scène jusque dans les chambres d'hôtel où elle rejoint Ikeuchi Kotaro, son amant et ami d'enfance de Masaki ; la colère de son orgueil rabaissé et la souffrance de ses sentiments bafoués, exacerbés par son voyeurisme obstiné comme par la découverte de Fuyo charnelle et vulgaire en privé, lui inspirent une manière à la fois machiavélique et audacieuse de la tuer. 

    L'obsession envers la beauté féminine conserve une même dimension pathétique et une même finalité tragique dans ces deux récits de l'écrivain japonais, bien qu'ils s'opposent dans leurs formes d'écriture et s'appuient sur les profils psychologiques résolument différents des protagonistes masculins. La jeune fille de soie Yaoya Oshichi et l'actrice de théâtre Kinoshita Fuyo sont sublimées, élevées à l'image de la perfection, à travers les lentilles optiques des jumelles pour la première et par la vision idyllique de l'amour naïf pour la seconde, au regard de leurs prétendants qui décident de les posséder à tout prix. Celui de la nouvelle Mirage subit cependant l'ironie du temps à travers son propre corps, certes rétréci de façon à pouvoir se glisser dans l'oshie, mais demeurant néanmoins mortel et vieillissant aux côtés de l'immuable Yaoya. Masaki Aoki de la nouvelle Vermine sombre de son côté dans une haine amoureuse, dans une passion malsaine qui le pousse à supprimer Fuyo, à obtenir son corps à défaut de son âme ; mais la décomposition du cadavre, dont le jeune homme s'épuisera à masquer par divers subterfuges les effets visibles, la lui ravira inexorablement.

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan Plus personnellement, je recommande ce recueil aux lecteurs qui n'ont jamais lu Edogawa Ranpo et souhaitent le découvrir. Si les deux intrigues mettent en avant le style Ero-guro emblématique de l'auteur nippon, la première est écrite sous la forme d'un conte fantasmagorique et absurde, tandis que la seconde est nettement psychologique et mortelle. Les deux femmes ayant suscité des attentions si extrêmes d'hommes en pâmoison devant leurs beautés, figure de soie figée et actrice de théâtre vaniteuse, glissent pareillement à l'arrière-plan de la scène et laissent leurs admirateurs à leurs fantasmes personnels, aux conséquences de leurs actes désespérés.

    Les Joyaux du Paradis >>

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  • manga

    Parce qu'il n'y a pas que des chroniques pour parler de livres !

    Voici exactement un an et un mois que je fais mes analyses et que je publie mes impressions de lecture à mon rythme... et j'avoue que vos commentaires me manquent en réponse à mes avis. Non pas que je souhaite absolument faire du chiffre en visites et en messages, ni prétendre à une certaine popularité, voire crédibilité parmi les autres blogs littéraires ou auprès des maisons d'édition ; mais je serais vraiment fière et exaltée de recevoir votre opinion, sur les ouvrages exposés comme sur les articles eux-mêmes, et d'en discuter avec vous, d'y gagner en ouverture d'esprit et en culture. Cependant, je comprends que vous n'aimiez guère poster des commentaires, que vous ne sachiez quoi ajouter de plus, que vous n'en ayez tout simplement pas le temps ou l'envie ; moi-même, je ne peux pas dire que je sois la première à le faire, et pour les mêmes raisons...

    Je ne peux pas assurer un Service Presse constant avec des maisons d'édition ou avec des auteurs, et ma Pile à Lire évolue au gré des sorties qui m'intéressent personnellement, de mes achats soumis à une sélection plus rude encore, de mes trouvailles à la brocante et de mes emprunts à la bibliothèque municipale. Donc, pas de In My Mailbox en attente, de PAL hebdomadaire, ni de Défis Livresques ; mais je veux quand même dynamiser le rapport de Psyche Tremens avec ses visiteurs... que diriez-vous alors d'un Loto Littéraire ?

    Donnez-moi chaque Lundi en réponse au statut associé à ce projet sur la Page Facebook du Blog une lettre de l'alphabet pour le nom d'auteur, un nombre pour la page de l'ouvrage et un autre pour la ligne de cette page : la main innocente de l'un de mes enfants choisira l'une de vos propositions - on veillera à alterner les participants sélectionnés - et je vous inscrirai le lendemain les références du livre tiré de ma BIBliothèque privée ou de ma PAL, ainsi que le résultat dans cet article, qui sera permanent et qui affichera à la suite les citations, changeant seulement de numéro au fur et à mesure des éditions.

    Alors, qu'en pensez-vous ? Très bien, donc à vos grilles !

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    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 13.10.15 / A 42 17 > Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan :

    • "– (Je ne manque pas de compagnie car tu as beaucoup d'esclaves.) Chacun est intéressant."

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 13.10.15 / L 55 5 > La Princesse des Glaces, de Camilla Läckberg :

    • "Tu n'es pas seule, Erika. (Je vais t'aider avec cette histoire, je te le promets.)"

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 19.10.15 / B 47 37 > Chroniques du Lindormyn - Le Vagabond du Grand Nord, de David Bilsborough :

    • "(Nibulus était un formidable adversaire, connu pour être devenu une fine lame.) Armé de pied en cap, lorsqu'il brandissait sa Grande Epée, rares étaient ceux qui lui résistaient."

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 27.10.15 / H 33 12 > Un Café Maison, de Keigo Higashino :

    • "– Utsumi a raison. Il y a une tasse et deux soucoupes dans l'évier."

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 03.11.15 / R 21 36 > Mission Iceberg, de James Rollins :

    • "Bien que le feu soit le danger principal à bord, personne n'était convaincu à 100 % que la carapace transparente puisse remplacer une double coque en titane et fibre de carbone, surtout quand il y avait autant de glace autour."

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 10.11.15 / S 74 23 > Fleur de Neige, de Lisa See :

    • "Neige me dévisagea à nouveau, en essayant d'évaluer mon degré d'intrépidité - encore modeste à l'époque, il faut bien l'avouer."

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 24.11.15 / N 72 13 > Tu seras notre Enfant, de Charity Norman :

    • "– Je te porterais sur mon dos pour avancer, comme une carapace de Tortue Ninja. Nous aurions l'air un peu bête."

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 01.12.15 / A 13 35 > Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan :

    • "(Jaad le regarde et sourit.) – Je t'écoute."

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 08.12.15 / D 18 54 > La Reine des Rêves, de Chitra Banerjee Divakaruni :

    • "Ma mère, cachottière, têtue, fantasque, était incapable de se souvenir d'un air. (C'était à elle que je voulais ressembler.)"

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 15.12.15 / C 34 13 > Les Runes de Feu, de Cyril Carau :

    • "– Je comprends et j'approuve entièrement, répond le fonctionnaire."

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 22.12.15 / E 18 50 > Les Mots d'Eden : Vers Toi, de Céline Etcheberry :

    • "Je savais qu'elle en avait envie pourtant, et ce soir-là lorsqu'elle glissa sa main dans mon jean entrouvert, je ne la repoussai pas."

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 22.12.15 / I 11 11 > La Mémoire du Sang, de Greg Iles :

    • "La vérité est fluide. La vérité est vivante. Connaître la vérité exige de la compréhension, l'art humain le plus difficile."

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 22.12.15 / M 24 56 > Love & Pop, de Ryu Murakami :

    • "C'est pour consommer sur place ? Oui ? Je vous remercie."

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 22.12.15 / O 10 20 > 1984, de George Orwell :

    • "Actuellement, d'ailleurs, le courant électrique était coupé dans la journée. C'était une des mesures d'économie prises en vue de la Semaine de la Haine."

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 29.12.15 / L 03 06 > Japantown, de Barry Lancet :

    • "– Je ferai avec. (– J'espère que tu continueras longtemps à raisonner comme ça.)"

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 05.01.16 / H 19 07 > Dragon Rouge, de Thomas Harris :

    • "Par une fenêtre de derrière, il put voir les meubles se découper en ombres chinoises à l'intérieur de la maison."

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 13.01.16 / G 16 26 > Le Passager, de Jean-Christophe Grangé :

    • "– Vous voulez bien me suivre ? (Il ne bougea pas.)"

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 13.01.16 / R 48 24 > Emily the Strange - Les Jours Perdus, de Rob Reger :

    • "Je faisais semblant d'être super occupée à prendre des notes, à examiner mes pompes ou n'importe quoi qui me fournisse des indices sur mon identité, mais je surveillais la zone du zinc..."

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 19.01.16 / T 236 11 > L'Ombre des Chats, d'Arni Thorarinsson :

    • "– Je veux que tu te prépares à prendre le relais à la rédaction."

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan 26.01.16 / B 18 28 > Dernier Battement de Cil, de Mark Billingham :

    • "Le souvenir de sa douleur après son opération d'une hernie, six mois plus tôt, était encore atrocement vivace."
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  • Sept Yeux de Chats, de Choi Jae-hoon

    Roman sud-coréen de genre Thriller édité en 2011, récompensé par le prix littéraire du journal quotidien national Hankouk Ilbo l'année suivante.

    Né à Séoul, en Corée du Sud en 1973, Choi Jae-hoon fait son service militaire obligatoire et apprend au cours de ses deux années au sein de l'armée à réfléchir sur lui-même. La lecture de L'Attrape-Coeur, de J.D. Salinger le marque profondément : paru en 1951, enseigné comme classique de la littérature aux Etats-Unis après avoir été placé dans la liste des Livres Bannis entre 1961 et 1982 pour s'être retrouvé en possession d'assassins emblématiques de l'Histoire américaine - notamment, Mark David Chapman qui a tué John Lennon, et John Warnock Hinckley Jr. qui a attenté à la vie de Ronald Reagan - , ce roman à la tournure autobiographique, abordant dans les termes injurieux d'un adolescent à la dérive des thèmes sociaux comme la sexualité, la marginalité et la prostitution, choque moins l'auteur coréen par son réalisme implacable que par le "vous", cet inconnu auquel s'adresse le protagoniste et qui se révèle autre que le lecteur, plaçant ce dernier dans une position inconfortable ; entre confident et voyeur. A cette interpellation singulière le désincarnant de sa propre réalité, Choi Jae-hoon estime selon ses propres mots, devoir "l'assassinat de son "moi" qui vivait tranquillement", pour être désormais "ce "moi" qui a survécu pour écrire des livres".

    Le roman commence ainsi, entamant la narration du chapitre Le Sixième Rêve à la première personne du singulier s'adressant à quelqu'un d'autre. Après quelques lignes, les pronoms changent et le point de vue passe de l'un à l'autre des six invités du chalet suspectant un hôte absent, comme une boule rebondissante d'un coin à un autre d'une pièce sans jamais atteindre l'ombre de l'assassin. L'énigme à huis clos, le mode opératoire d'un tueur en série, la survie en conditions extrêmes et la paranoïa donnent un ton résolument haletant et occidental tout au long de l'intrigue... qui s'achève à la page 67. Une seconde partie intitulée Equation d'une Vengeance suit et plusieurs indices poussent le lecteur à chercher et à reconnaître les personnages de Kang Minkyu, de Min Taesik, de Kim Hyeon-suk, de Yi Yeonu, de Oh Yeong-su et de Han Sena, afin de résoudre l'énigme précédente à partir de ces autres circonstances ; mais il ne s'agit ni de l'avenir, ni du passé, ni même vraiment des protagonistes eux-mêmes. Leurs personnalités, leurs qualifications, leurs caractéristiques se mélangent, se complètent, s'intervertissent au point de corrompre leur intégrité et jusqu'à leurs noms, faisant place au roman lui-même sur le devant de la scène par l'intermédiaire de la troisième partie π ; à la façon du traducteur M, le lecteur s'y oublie et dans l'ultime chapitre, le livre baptisé du nom même de celui qu'il tient en main lui échappe. Choi Jae-hoon a concentré tout son style et toutes ses idées, les a "mixé comme dans un blender" afin d'en exprimer, avec les mots dans cet ouvrage, les sensations et le chaos qui en résultent comme il l'aurait fait avec de la peinture sur une toile de lin.

    La construction du roman n'a pourtant rien d'anarchique ou d'abstrait. Au-delà de ses quatre parties pour les quatre mouvements de la composition La Jeune Fille et la Mort de Franz Schubert comme de celle de Salome Dances for Peace de Terry Riley, nombre de références littéraires et cinématographiques occidentales sèment leurs détails d'une partie à une autre, de l'objet le plus bénin - la clef de la chambre de Barbe Bleue, le chat et la chenille d'Alice au Pays des Merveilles, les cheveux roux de la gravure de Munch, le surnom de l'actrice française dans le long-métrage Lune de Fiel - à leurs thèmes qui ont souvent suscité la controverse à l'époque de leurs parutions - le fétichisme, les excès, la liberté sexuelle, la vengeance personnelle et l'obsession compulsive - . S'y ajoutent alors, juste au coin de l'oeil du lecteur, d'autres éléments récurrents, ordinaires glissés par l'auteur coréen comme des signatures d'un tueur en série sur une scène de crime, puis des allusions diverses, culturelles ou métaphysiques totalement fictives, inventées et appliquées comme les caprices d'un écrivain sur son oeuvre... ou d'une divinité sur un destin, cette dernière allant jusqu'à s'inviter auprès du traducteur M pour s'approprier le roman même, tout à son rôle d'entité gréco-romaine garante non seulement de l'immortalité, mais du concept de l'Infini, de la continuité sans répétition et perpétuellement renouvellée... à l'image du nombre π ou d'un labyrinthe sans issue qu'aurait pu concevoir l'artiste néerlandais Maurits Cornelis Escher.

    Le lecteur ne peut dire ce que sont devenus les protagonistes du début de l'ouvrage. Sont-ils morts ? Ont-ils fusionnés ? Ont-ils évolués, ou sont-ce leurs existences, leurs environnements qui ont changé ? A quel univers, de l'un à l'autre des chapitres, appartiennent ces mots qu'il est justement en train de lire ? L'auteur sud-coréen traite philosophie à travers des monologues ou dialogues simples, souvent intimes, parfois empreints de mélancolie et de condescendance, avec quelques touches d'absurdité, mais qui ne basculent jamais vers des citations élitistes ou des principes trop objectifs, gardant une expression et une approche résolument humaines et personnelles. L'identité de l'individu, dont les bases sont mises à mal par l'inconscient, la société, le hasard, le mensonge, les secrets, la gémellité, la famille, l'obsession, le fantasme... n'a plus tant d'importance dans ce jeu de poupées russes ; le nom même de l'écrivain disparaît sur la couverture de l'exemplaire du roman dans l'ultime chapitre éponyme, qui conclut de façon à reprendre la lecture du premier... ou à imaginer une nouvelle histoire.

    Harem, de Charlie Audern et Kaelig Lan Plus personnellement, je me souviendrai de cette oeuvre davantage pour elle-même, que pour son genre littéraire ou mon impression de lecture. Les références multiples, les détails en surimpression, les alternatives philosophiques et les revirements circonstanciels ont laissé plus sûrement leurs traces dans mon esprit que les subtilités malsaines de l'intrigue criminelle la plus sombre. Le lecteur se sent comme l'Alice de Lewis Caroll égarée au coeur d'un dédale de chemins différents et sans issue. Que sa raison fasse contrepoids ou non à la folie du Lapin Blanc, du Lièvre de Mars et du Chapelier, comme de la Reine de Coeur, des Cartes et du Dodo, l'oeil unique du Chat de Cheshire cligne d'amusement et de malice dans l'obscurité... et c'est là le dessein de l'auteur.

    Mirage >>

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